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Autobiographie
Né à Boulogne-sur-Seine, le 11 mai 1931, j’ai grandi entre ma mère, Denise RENARD, antiquaire qui peignait et jouait du violoncelle, et mon père, Henri-Pierre ROCHÉ, collectionneur de tableaux et écrivain, auteur notamment du roman » Jules et Jim « , porté à l’écran par François TRUFFAUT.
Dès l’âge de 2 ans, j’aime passionnément la nature et les petites bêtes. Je constitue un herbier, puis je fais collection de papillons. Ma chambre est remplie d’aquariums et terrariums, dans lesquels j’élève tritons, salamandres, ou grenouilles.
En 1940, ma famille suit l’exode général devant l’avancée de l’armée allemande, et s’installe à Dieulefit, dans la Drôme. Ma mère à la Pension de Beauvallon, mon père à l’école de Beauvallon, ou ils est professeur de gymnastique et d’anglais.
Dans cette nature provençale grouillante de vie, je découvre le monde fascinant des insectes et je lis avec passion les 10 volumes des “ Souvenirs Entomologiques » du grand entomologiste J. H. FABRE. J’essaye de refaire les mêmes observations que lui, sur le terrain…
En 1945, de retour à Sèvres, dans la maison familiale quittée en 1940. La lecture d’un livre de Jean ROSTAND me donne envie de rencontrer l’auteur, je lui écris directement. Le savant biologiste répond, et m’invite dans son laboratoire de Ville d’Avray, rempli de dizaines d’aquariums et terrariums. Nous jouerons ensemble aux échecs pendant plusieurs années, chaque mercredi soir au Café de la Gare de Ville d’Avray.
Dans les années 50 Jean ROSTAND me passe régulièrement des commandes de crapauds et de grenouilles pour ses expériences. Il m’encourage aussi à quitter la région parisienne et à aller observer la vie animale sur le terrain. Je décide de suivre son conseil. Avec l’argent gagné grâce à ces commandes, j’achète une caméra 16 mm Pathé-Webo, et j’abandonne mes études de psychologie en Sorbonne. Je pars filmer des scènes de la vie des insectes en Provence…
J’atteris à Sainte Maxime, dans le Var, et m’installe l’année suivante à “Brenguéron”, un petit mas entouré de deux hectares, dans les collines du Plan de la Tour. Je filme pendant 3 ans et me lance aussi dans l’agriculture biologique, avec l’objectif d’être autosuffisant. Ce sera un demi échec, mais une belle expérience.
Revenu à Paris, je montre mes flms à Jean PAINLEVÉ, qui dirige l’Institut du Film Scientifique. Il m’envoie participer au Festival du Film Scientifique de Paris, puis à celui de Bruxelles. J’obtiens un succès d’estime pour la beauté de mes images.
Encouragé par mon père, François TRUFFAUT profite d’un séjour à Saint-Tropez pour venir découvrir mes films d’insectes, chez moi, à Brenguéron. Il les aime, et décide d’en faire le documentaire qui, gonflé en 35 millimètres sous le titre de “ Vies d’Insectes ”, sera le “documentaire” accompagnant le film “ Jules et Jim ” dans le monde entier.
Je me lance alors dans la photo animalière, réalisant une série de diapositives sur les insectes, les batraciens et les oiseaux. En 1956, je les montre à Walter CARON, de PARIS-MATCH, qui décide de consacrer un article de dix pages à ce travail. Le maire de LA GARDE FREINET, Alfred MAX, fera de même dans sa revue REALITES peu après.
Avec l’argent de ces articles, je décide de m’acheter un matériel de prise de son relativement portable, 80 kilos quand même : un enregistreur de 20 kilos, 2 rouleaux de 100 mètres de cable micro de ma fabrication, et un « acusector » pour avoir du courant 110 volts disponible.
Le printemps suivant, en 58, je commence à enregistrer les oiseaux en Camargue et en Provence. A l’automne, je monte à Paris avec mes premiers sons, et sonne à la porte de tous les éditeurs de disques. Presque toujours mal reçu, je trouve cependant un accueil
chaleureux auprès d’André CLERGEAT, directeur artistique chez PACIFIC. Quatre disques noirs, de 25 cm, seront édités en deux ans.
Le premier : « Oiseaux en Camargue », se vend à près de 10.000 exemplaires dans l’année, et obtient le Grand Prix du Disque de l’Académie Charles Cros, catégorie documentaires. Trois autres disques sont publiés, mais bientôt PACIFIC disparaît, et aucun éditeur n’acceptera de prendre la suite.
Je me décide alors à éditer seul, à compte d’auteur, un » Guide Sonore des oiseaux de France ” en 27 disques 45 tours. Idée conseillée par mes amis ETCHECOPAR et Jean DORST du Museum de Paris. La série complète sort entre 1964 à 1966, illustrée par le dessinateur génial travaillant pour DELPIRE éditeur, MAX GALLARDI.
En même temps, j’entreprend mes premiers grands voyages, d’abord au Maghreb en 66, puis aux Antilles en 69. Et Je lance une série de grands 33 tours 30 cm de concerts naturels d’oiseaux, distribués par Le CHANT du MONDE. La première année, ils vendent seulement 6 exemplaires du vol.1 « Oiseaux de mer et d’étangs ». Le Chant du Monde me dit : « Mr Roché, vos grands disque 30 cm ne se vendent pas. Ce serait mieux d’arrêter d’en faire. Je réponds : « c’est un format nouveau, le public s’habituera, je fais les 3 suivants ». C’était le bon choix, la série s’est très bien vendue ensuite.
Assez naïf, j’aimais donner mes vinyles autour de moi, les vendant comme je pouvais, n’ayant pas de distribution. Les impôts me convoquent et me disent : “Vous êtes un voleur, vous volez à l’Etat sa TVA”. Ce qui était vrai ! Ultimatum : “Ou bien je vous donne une amande, et vous arrêtez votre édition de disques, ou bien vous ouvrez une SARL pour poursuivre votre activité d’éditeur, dans le cadre légal”. Sur le moment, je suis furieux, mais en fait, c’était la chance de ma vie.
Dans les années 70, je m’intéresse aussi à l’enregistrement de musiques, jazz et classique, et de contes pour enfants, et je deviens éditeur de disques. J’organise aussi des stages de prise de son nature, pour les amateurs et les classes de lycée, partageant avec un grand plaisir mon savoir faire. Je fais plusieurs expéditions aux 4 coins du monde : en Afrique, Amériques du Nord et du Sud, Asie, Australie, etc…
En 1985, je crée la sarl » SITTELLE – Editions des Voix de la Nature “. SITTELLE éditera d’abord des cassettes, puis plus d’une centaine de CD audio. Plusieurs collections sont proposés : des Guides Sonores, pour aider à identifier les oiseaux à l’oreille ; des Paysages Sonores, évocations en vraie stéréophonie des différents milieux de la planète ; et la collection Grands Virtuoses, dédiée aux plus beaux chants d’oiseaux. D’autres guides sonores suivront, sur les grands mammifères, les amphibiens et les insectes.
En 1990 je crée le le CEBA, ou Centre d’Etudes Bioacoustiques Alpin. Le CEBA fabrique et distribue des matériels spécialisés pour l’enregistrement dans la nature et l’étude des chauves-souris et des insectes : détecteurs-transcodeurs et réflecteurs paraboliques. Il s’équipe d’un studio de son moderne, et d’une bibliothèque ornithologique assez complête sur les oiseaux du monde entier. Il organise des expéditions à travers le monde, constituant petit petit une une banque de données bioacoustiques des plus importante d’Europe. SITTELLE et CEBA développerons leurs expéditions et leur publications sonore pendant 20 ans, et deviendront le n° 1 européen.
Je me sépare de SITTELLE et du CEBA en 2007, pour travailler de nouveau en solitaire. Les temps ont changé, SITTELLE n’est plus rentable. Je me consacre à la photo, aux jeux de la lumière et de l’eau, en pleine nature. Mes photos ressemblent à des peintures impressionnistes.
En 2011 j’ai 80 ans, et je me pose la question de savoir où iront mes 10.000 heures d’enregistrements de terrain, collection unique au monde qui est un trésor culturel et scientifique de l’humanité. Aucune réponse jusqu’en 2018 ! J’écris au Museum de Berlin en lui proposant ma sonothèque, et le directeur de la section bioacoustique, le Dr Karl Heinz FROMMOLT – et son interprète Andreas KUNKLE – font le voyage jusqu’à la maison du Gard, à Bessèges, pour estimer mon “fond”.
Il n’y aura pas d’achat mais le Dr FROMMOLT propose de tout numériser, il gardera une copie et m’en enverra une, qui restera entièrement ma propriété. Le travail de numérisation prendra presque 3 ans et j’ai reçu le disque dur avec mes 10.000 heures d’enregistrement fin 2022.
En 2021 je termine mon livre “Pourquoi l’oiseau chante” (plus d’informations: https://www.jeanroche.fr/les-livres/) en collaboration avec le grand peintre animalier Serge NICOLLE, et je l’imprime à 500 exemplaires. Et je crée avec mon fils Nicolas et ma compagne Maryse LEYNAUD l’Association, loi de 1901 Jean Roché, ou AJR, pour protéger et diffuser celles de mes oeuvres non commercialisées. Je fais don à AJR de tous mes droits d’auteur, et AJR donne aux Editions CHIFF-CHAFF l’exclusivité de la diffusion de mes oeuvres.
Ainsi la boucle est bouclée, tout est prêt pour le grand départ, mes chants d’oiseaux ne seront pas perdus, ils vivront pour les scientifiques à travers les Muséums de Berlin ainsi que celui de Paris, qui a entretemps acquis ma sonothèque, et pour les amateurs et le grand public, à travers CHIFF-CHAFF qui diffuse mes oeuvres récentes, crées entre 2010 et 2023, sous forme de mini-sonothèques numériques.
Saint Nolff, le 11 mai 2023. Jean Roché